UNE TOILE POUR L’UKRAINE EN MARS 2022 DANS UN MUSEE-FORUM


Lundi 7 mars 2022 au matin, Nuage Vert visite à Paella? (ou Paella ou Paella Chimicos, de son vrai nom Michel Palacios) dans ce lieu incroyable que sont les Frigos dans le 13e arrondissement (un lieu industriel investi par les artistes où les wagons de train étaient garés sur plusieurs étages avec leurs marchandises).
Paella est un street artiste historique issu de la figuration narrative (comme Basquiat, Keith Haring, Combas, Di Rosa ou Boisrond). Il entre aux Frigos en 1985 et intervient dans la ville avec des petits autocollants ironiques. C’est un chroniqueur philosophique du temps et du hors-temps. Sa démarche est sincère, constante, courageuse. Il place un personnage sans visage, qui est son double et le double de chacune et chacun de nous, avec des maximes.

Restons quelques instants –même si aujourd’hui il faut aboyer un slogan avec une colère feinte en 2 lignes pour « communiquer »– sur cette absence de visage. Elle est au-delà de la question du vide ou de l’universel. Paella est sans nom et sans visage, capitaine Nemo de l’Art. Il combat surtout cette nécessité impérieuse de faire image de marque pour les artistes, de se raconter, d’explorer publiquement son nombril (le vomissement autobiographique des influenceuses). Faire croire que vivre en double écran est exister. Paella inexiste. Paella a le courage de n’être rien, un étron sur un visage, un nez en bite gidouillée. Il déjoue les pièges du marketing, de l’injonction à paraître. Cela devient du courage de ne pas se vendre, tout en voulant faire création publique dans l’espace public (la rue) et vivre –modestement– de cette création. Paella est un Kafka visuel et ainsi la portée de ses visions va au-delà de la question du brio de la représentation.

Modeste et malicieux, la tête volontiers baissée et penchée (il échappe aux photographies) et la voix chuchotante, il nous a dévoilé une toile finie dans la nuit de dimanche à lundi (7 mars), en plein au milieu des événements ukrainiens, terminée à 5h30 du matin : PLUS HUMAIN QU’HIER, MOINS QUE DEMAIN.
Voilà une composition puissante et troublante qui nous parle de la folie humaine, autodestructrice, cruelle. Il a construit ces groupes sur un fond d’un jaune sali et de bleu. Plusieurs phrases nous font pénétrer un abîme en perspective : « Il n’y a pas de raison qui tienne. Il y a la nature des hommes » / « Ils prendront soin d’éviter la fréquentation des témoins de leurs petites lâchetés » / « Il leur faudra aller chercher ce qu’ils auraient tant aimé voir venir » / « On a l’impression d’avancer mais c’est la planète qui tourne ».

La toile grand format est peinte à l’acrylique. Nous la montrons ici virtuellement et le ferons physiquement le samedi 2 avril à 11h lors de l’ouverture de l’exposition sur LA FIN DE LA TELEVISION (une analyse des médias à travers les dessins de Dobritz). Venez nombreuses et nombreux !
MERCI PAELLA POUR CETTE OEUVRE FORTE QUI NOUS FAIT REFLECHIR DANS CETTE ACTUALITE UKRAINIENNE TERRIBLE. MERCI POUR LE DON DE TOUS CES PETITS PAPILLONS DESSINES ET ECRITS QUE TU SEMES ET COLLES DANS LES VILLES, SORTE DE CHRONIQUE VISUELLE DE LA VIE DE CHACUNE ET CHACUN, TEL UN LA ROCHEFOUCAULD URBAIN. Paella? est un Nicolas Poussin accusateur des massacres réalisés matériellement et dans nos têtes. Nuage Vert s’affirme ainsi comme un MUSEE-FORUM, un musée réactif qui participe à la vie de la cité en formant un lieu d’échanges et Paella? nous honore par cet acte visuel puissant et généreux.